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Un myxomycète, c’est quoi ?

 

  • un être unicellulaire plurinucléé
  • qui va se déplacer et manger des bactéries
  • puis se fixer pour se reproduire en fabricant des spores
  • alors, où donc a-t-il été classé dans le vivant ?

 

1  Un cycle de vie particulier

Les myxomycètes passent par deux phases successives au cours de leur vie : un stade où ils se déplacent et se nourrissent, et un stade où ils se fixent et se métamorphosent pour se reproduire.

Lorsque les conditions de température et d’humidité lui sont convenables, une spore de myxomycète donne naissance à une amibe haploïde munie de deux flagelles inégaux. Ces flagelles lui permettent de se déplacer lorsque le taux d’humidité est suffisant. En cas d’assèchement du milieu elle perd ses flagelles mais peut continuer ses déplacements à l’aide de pseudopodes. La situation est réversible : lorsque son environnement est à nouveau hydraté, l’amibe voit ses flagelles repousser. A ce stade elle se nourrit essentiellement de bactéries qu’elle phagocyte. Elle est bien sûr impossible à détecter à l’œil nu.

Deux amibes compatibles peuvent fusionner lorsqu’elles se rencontrent et donner naissance à un zygote diploïde. Ensuite, et ceci est une particularité propre aux myxomycètes « vrais » (les plasmodial slime moulds des Anglais), cette cellule œuf va croître en multipliant son noyau, puis ses noyaux, par divisions synchrones successives (mitose), tout en restant unicellulaire [1]. Cette cellule géante plurinucléée porte le nom de plasmode. Elle rampe avec des mouvements de son protoplasme rendus possibles grâce à sa paroi souple. A partir d’une certaine taille, les plasmodes de nombreuses espèces deviennent visibles à l’œil nu. Certains sont faciles à repérer sur le terrain car vivement colorés, notamment ceux de la famille des Physaraceae.

Badhamia utriculaires plasmode avec Phlebia
Plasmode sur rondin de hêtre

Lorsqu’il se déplace le plasmode se structure en plages de prospection et en veines où circulent le protoplasme ainsi que des impuretés sous forme de granules noirs. La circulation de matière semble parfois très rapide comme nous avons pu l’observer sous la loupe binoculaire (grossissement 40, éclairage annulaire à LED). Mireille Lenne en a posté des images sur la toile :  https://www.youtube.com/watch?v=dGprfSNReP8
Le plasmode se nourrit lui aussi par phagocytose, essentiellement de bactéries, mais également de spores et de divers débris végétaux, ainsi que du mycélium des champignons décomposeurs du bois (FUSAKAWA et al. 2018).
Karlheinz BAUMANN dans son film documentaire  « Als wären sie nicht von dieser Welt – Der unmögliche Lebenswandel der Schleimpilze » (2002) présente des cas extrêmes où de grands plasmodes phagocytent divers champignons lignicoles, tels que Panellus serotinus, Stereum sp., etc.

A partir d’un certain stade, et lorsque les conditions de température et d’humidité convenables sont réunies, le plasmode se métamorphose complètement et « fructifie », c’est à dire que s’élaborent de petites structures dont les formes rappellent souvent celles des champignons. Ces « fructifications », appelées myxocarpes (plus précisément sporocarpes ou plamodiocarpes selon le cas) , contiennent les spores destinées à la reproduction. C’est au cours de la formation des myxocarpes que se fait la méiose qui aboutira à la formation des spores haploïdes. Elles seront dispersées par le vent, des insectes, des mollusques et parfois d’autres animaux. Le cycle pourra alors recommencer.

Cycle

Schéma d’un myxocarpe théorique et complet :

 Schéma sporocarpe

Quelques mots de vocabulaire :

Hypothalle : membrane fine à la base des fructifications, qui adhère au substrat,  laissé par le plasmode après la formation du myxocarpe.
Stipe (ou pédicelle) : peut être parfois absent.
Columelle : prolongement du stipe à l’intérieur du sporocyste ; peut exister même en l’absence de stipe.
Capillitium : ensemble de filaments, flexueux ou rigides, sur lesquels sont fixées les spores ; le capillitium est absent dans l’ordre des Liceales.
Spores : destinées à la reproduction, sont dispersées après l’ouverture du péridium.
Péridium : enveloppe entourant les spores et le capillitium ; évanescent ou persistant, membraneux ou rigide, se fracture à maturité, de manière différente selon les espèces.

Vous retrouverez ces termes dans les fiches descriptives des espèces.

2  La classification des myxomycètes, un peu d’histoire 

C’est en 1654 que Pankow a décrit et illustré l’espèce qui sera nommée Lycogala epidendrum (L.) Fr. (1753). Elle était identifiée à l’époque uniquement comme un champignon. Puis en 1859 Anton De Bary mis en évidence la relation entre le plasmode et le myxomycète correspondant et proposa un nouveau terme, celui de Mycetozoa, littéralement traduit par champignons-animaux (Comparative morphology and biology of the Fungi, Mycetozoa and bacteria). Malgré leur stade plasmode à caractère animal, les myxomycètes ont ensuite été référencés au côté des champignons pendant plus d’un siècle. Lindsay Olive en 1969 proposa de les classer dans le règne des Protistes, règne un peu « fourre-tout » où ont été placés tous les organismes unicellulaires - à l’exclusion des bactéries - qui se révélaient inclassables ailleurs… (OLIVE et al. 1969). 

Aujourd’hui les classifications sont également basées sur l’analyse des patrimoines génétiques. Les myxomycètes ainsi que les Dictyostélides et les Ceratiomyxa constituent un groupe monophylétique, le Phylum Amoebozoa (FIORE-DONNO et al., 2010DERELLE et al. 2015.) 

Ruggiero quant à lui propose la classification suivante :

Règne : Eukaryota
Phylum : Amoebozoa
Subphylum : Conosa
Classe : Myxogastrea
(RUGGIERO et al. 2015). 

Par ailleurs la classification des Amoebozoa reste aussi basée sur leurs formes et leur façon de se mouvoir, créant des regroupements (classes et ordres) qui peuvent rentrer en contradiction avec la classification phylogénétique (SMIRNOV et al. 2011). 

Cette dernière vient de faire l’objet d’une publication remaniant profondément  la hiérarchie supra-générique, créant deux sous-classes les Lucisporomycetidae et les Collumelomycetidae, comportant respectivement 4 et 5 ordres (LEONTYEV D. V. et al., 2019). Vous en trouverez le résumé ici (en anglais, téléchargement).

Enfin le stade amoebo-flagellé des myxomycètes est trop semblable entre toutes les espèces pour permettre une détermination « à l’œil ». Ce sont donc les riches caractères morphologiques des fructifications qui sont retenus lorsqu’il s’agit de regrouper les genres et espèces de manière pratique et facilement compréhensible à tout public. C’est aussi la méthode que nous retenons pour présenter les espèces que nous avons rencontrées, en considérant les trois classes suivantes :

- classe des DICTYOSTELIOMYCETES (rappelée pour mémoire, non abordée ici) : le plasmode est constitué par une agrégation d’amibes à comportement social (pseudoplasmode) produisant des sporocarpes stipités bien différenciés (BONNER, 2009). 

- classe des PROTOSTELIOMYCETES : Amibes simples ou plasmodes sans courant protoplasmique alternatif. De cette classe, seules deux espèces ubiquistes sont régulièrement rencontrées sur le terrain :

Ceratiomyxa fruticulosa (O.F. Müll.) T. Macbr. et Ceratiomyxa porioides (Alb. & Schwein.) J. Schröt.

Cfruti1 Cfruti2

Cfrutipor

- classe des MYXOMYCETES, (MYXOGASTRIA) comportant 5 ordres  (ECHINOSTELIALES, LICEALES, PHYSARALES, STEMONITALES, TRICHIALES) : plasmode à courant protoplasmique rapide et alternatif, lent et irrégulier dans les protoplasmodes, spores libres produites à l’intérieur d’un myxocarpe.

Nous reprenons ci-dessous les caractéristiques de chaque ordre, telles que tirées de la classification de Kirk P. M. & al. Ainsworth & Bisby's Dictionary of the fungi, ed. 9 (2001) par Michel Poulain (POULAIN & al. 2011).

ECHINOSTELIALES G. W. Martin :
Capillitium peu abondant ou absent, à filaments lisses. Sporocarpes stipités, petits, jusqu’à 1,5 mm mais généralement beaucoup moins, péridium presque toujours évanescent. Columelle souvent présente. Stipe contenant des matières granuleuses. Sporée pâle, rarement brune ou ferrugineuse.

LICEALES E. Jahn : Absence de capillitium (à l’exception des Listerellaceae E. Jahn), pseudocapillitium présent dans les aethaliums. Columelle absente, à l’exception du genre Tubifera. Sporée de couleur pâle ou vive, rarement brun foncé ou brun noir.

PHYSARALES T. Macbr. : Sporocarpes contenant du calcaire sous forme de granules amorphes, d’écailles cristallines ou de cristaux. Sporée noire, brun foncé ou brun ferrugineux.

STEMONITALES T. Macbr. : Péridium membraneux, parfois fugace, parfois avec une couche gélatineuse externe (genre Colloderma). Capillitium presque toujours présent et abondant. Calcaire absent. Sporée noire, brun foncé, brun roux ou brun jaunâtre.

TRICHIALES T. Macbr. : Columelle toujours absente, capillitium toujours présent. Calcaire absent, sporée diversement colorée, rarement brun foncé.

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[1]Chez les Acrasiales les amibes ont un comportement social et le stade plasmode est constitué par un rassemblement actif de cellules ayant chacune des fonctions spécialisées (JOHN TYLER BONNER  2009). Nous n’abordons pas ici ces groupes de la classe des Dictyosteliomycetes dont l’étude se fait essentiellement en laboratoire.

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