Les myxomycètes du Jardin Botanique de l’Université de Strasbourg
Le jardin botanique de l’Université de Strasbourg (JBS) a été créé en 1619. Il a survécu à la Révolution Française, a pris de l’ampleur pendant la période d’annexion allemande (1871) et a été entièrement refondé par Anton de Bary en 1884, avec la création de nombreuses serres.
Actuellement seule la serre de Bary subsiste, classée monument historique, les bâtiments de l’Institut de Botanique ayant été édifiés à leur emplacement.
Dépendant de la Faculté des Sciences de la Vie, le JBS, outre ses missions historiques de Conservation et d’Acclimatation, a un objectif fort d’enseignement, ainsi que de sensibilisation du public (source internet).
Refuge de nature en milieu urbain, il est colonisé par la faune de tous ordres, des insectes au héron ; des inventaires de ce monde vivant ont été entrepris, essentiellement celui des insectes, et ils sont toujours en cours (source internet).
C’est dans ce contexte d’inventaire du vivant que nous avons entrepris en 2016, sur proposition de son directeur de l’époque François Labolle, de répertorier les myxomycètes susceptibles de s’y trouver. Nous présentons ici les résultats arrêtés fin 2020.
A notre connaissance 3 autres jardins botaniques européens ont effectué cette démarche :
- le jardin botanique de Buckingham Palace a été inventorié par Bruce Ing (ING, 1999).
- le jardin botanique de Genève a été inventorié sur la période 2001-2002 par El Hacène Séraoui (SERAOUI, 2006).
- au jardin botanique de Meise en Belgique, la litière aérienne a été inventoriée par Myriam de Haan de 2009 jusqu’en 2011 (de HAAN, 2011).
Les 5000 végétaux présents au JBS, venus du monde entier, nous apportaient une diversité potentielle conséquente de micro-habitats : même s’ils sont rarement inféodés à une plante ou un groupe de plantes en particulier, on pouvait s’attendre à la présence de myxomycètes encore non observés, si ce n’est en France, tout au moins en Alsace. Ce fut le cas, comme nous allons le voir plus loin.
Un tel inventaire sur une surface relativement restreinte, artificialisée et fréquentée, présente des particularités, au vu du mode d’apparition très aléatoire des myxomycètes (voir : un myxomycète, qu’est-ce donc ?). Il est difficile d’y rencontrer beaucoup d’espèces directement sur le terrain, difficulté augmentée par notre éloignement géographique. Aussi ce sont les prélèvements de substrats et leur mise en culture qui ont été privilégiés : litière au sol, litière aérienne et écorces prélevées sur arbres vivants.
Ces 3 types de prélèvements ont été réalisés sur 65 plantes, ligneuses ou semi-ligneuses, lianes et plantes grasses : feuilles mortes et rameaux secs au sol (litière terrestre), rameaux et fruits secs sur plantes vivantes (litière aérienne), écorces sur arbres vivants. Précisons concernant ce dernier type de prélèvement que seules les parties sèches s’exfoliant manuellement sont enlevées, ce qui ne peut se faire que sur des arbres suffisamment âgés présentant une écorce assez épaisse. Il n’est bien entendu pas question de blesser les arbres, et les écorces fines sont en même temps lisses la plupart du temps : les spores des myxomycètes n’y sont pas encore accrochées en quantité suffisante pour avoir quelques chances de voir un cycle s’accomplir. C’est du moins notre hypothèse, nos cultures de substrats fins et lisses ne nous ayant que rarement produit du matériel.
Écorces du Ficus lyrata s’exfoliant naturellement
38 espèces de myxomycètes sont apparues en chambre humide depuis le 18.06.2016, et seulement 8 espèces ont été récoltées directement sur le terrain, certaines étant les mêmes que celles des chambres humides. Au total 42 espèces ont été recensées et identifiées. De nombreuses cultures ont produit uniquement des plasmodes, non suivis de fructifications ; d’autres ont produit des fructifications aberrantes, non identifiables ; d’autres enfin ont été attaquées par les moisissures, et les fructifications, bien qu’identifiables, n’ont pas été conservées en herbier. Ainsi au final 51 plantes sur les 65 prélevées ont fourni des espèces identifiées et conservées dans notre herbier. Le tableau ci-dessous les récapitule et vous trouverez en bas de page une liste permettant d’accéder aux fiches descriptives.
Les substrats marqués d’un astérisque ont été prélevés dans la serre tropicale.
SUBSTRATS | MYXOMYCETES |
Acanthophoenix alexandrae | Physarum compressum |
Alnus glutinosus (strobiles) | Arcyria marginoundulata ; Craterium concinnum ; Diderma saundersii ; Didymium squamulosum |
Aristolochia grandifloris | Physarum compressum |
Catalpa bignonioides | Didymium squamulosum |
Salix arbutiflora | Didymium squamulosum ; Physarum cinereum ; P. decipiens |
Clematis apiifolia | Didymium difforme ; Physarum gravidum |
Clematis campaniflora | Didymium comatum ; D. trachysporum ; Physarum cinereum |
Clematis flammula | Badhamia panicea ; Didymium comatum ; D. difforme ; D. squamulosum ; Perichaena vermicularis ; Physarum pusillum ; Protophysarum phloiogenum |
Clematis glauca | Licea kleistobolus ; Protopysarum phloiogenum |
Clematis gratopsis | Didymium squamulosum ; D. trachysporum ; Echinostelium cribrarioides ; Perichaena vermicularis |
Clematis heracleifolia | Didymium bahiense ; D. squamulosum ; Echinostelium. minutum ; Licea kleistobolus ; P. vermicularis ; Physarum gravidum |
Clematis ispahanica | Didymium comatum ; D. difforme ; Protophysarum phloiogenum |
Clematis kirilowii | Didymium difforme ; Perichaena vermicularis ; Perichaena chrysosperma ; Protophysarum phloiogenum |
Clematis ligusticifolia | Didymium difforme ; Physarum compressum ; P. didermoides |
Clematis potaninii | Didymium difforme ; D. serpula ; Physarum cinereum |
Clematis rehderiana | Didymium difforme ; Physarum pusillum ; Protophysarum phloiogenum |
Clematis serratifolia | Didymium trachysporum ; Perichaena vermicularis ; Physarum compressum ; P. gravidum |
Clematis songorica | Didymium. difforme ; Protophysarum phloiogenum |
Clematis tangutica | Didymium difforme ; Physarum gravidum |
Clematis tibetana var. vernayi | Didymium comatum ; D. difforme ; D. squamulosum ; D. trachysporum ; Echinostelium minutum ; Perichaena depressa ; P. vermicularis ; Physarum compressum ; P. globuliferum ; P. gravidum ; P. pusillum ; Protophysarum phloiogenum |
Clematis virginiana | Didymium bahiense ; D. trachysporum ; Perichaena vermicularis |
Clematis vitalba | Arcyria cinerea ; Badhamia dubia ; Didymium difforme ; Physarum gravidum ; Protophysarum phloiogenum |
Cocos nucifera* | Perichaena chrysosperma |
Costus afer | Physarum compressum |
Davallia chaerophylla* | Didymium verrucosporum cf. ; Perichaena depressa cf. |
Dracaena fragrans | Physarum pusillum |
Fagus sylvatica var. laciniata | Physarum compressum ; P. didermoides ; Tubifera ferruginosa s.l. |
Ficus lyrata* | Physarum pseudocolumellatum ad int. |
Hedera helix | Didymium bahiense ; Physarum compressum |
Juglans americana | Macbrideola cornea ; Physarum columellatum cf. |
Kalopanax septemlobum | Didymium minus |
Lavandula angustifolia | Badhamiopsis ainoae ; Didymium difforme ; D. dubium ; D. squamulosum ; Licea kleistobolus ; P. pusillum ; Trichia contorta cf. |
Metasequoia glyptostroboides | Arcyria cinerea ; A. pomiformis ; Comatricha nigra ; Perichaena vermicularis ; Physarum cinereum |
Musa acuminata* | Arcyria cinerea ; Perichaena vermicularis ; Physarum oblatum cf. |
Musa basjoo | Didymium squamulosum ; Physarum cinereum |
Parrotia persica | Didymium squamulosum |
Phyllantus angustifolius | Perichaena vermicularis |
Phyllostachys pubescens | Didymium squamulosum |
Piper nigrum | Perichaena vermicularis ; Physarum pusillum |
Platanus x acerifolia | Didymium minus |
Platycarya longipes | Craterium concinnum |
Platycerium alicorne* | Physarum pusillum |
Podocarpus latifolius* | Perichaena chrysosperma ; P. depressa ; Physarum pusillum |
Ravenala madasgariensis* | Acrycria cinerea ; Physarum compressum |
Salix sepulcralis x S. alaba x S. babylonica | Badhamia flavoglauca ; Cribraria violacea ; Trichia contorta var. iowensis ; T. varia |
Sorbopyrus auricularis | Arcyria pomiformis |
Taxodium distichum | Cribraria violacea ; Didymium squamulosum ; Macbrideola cornea ; Perichaena vermicularis |
Trachycarpus fortunei | Didymium squamulosum ; Licea minima |
Vanilla planifolia | Arcyria cinerea ; Pericheana vermicularis |
Vanilla sp.* | Physarum compressum ; P. didermoides |
Zelkova serrata | Didymium clavus ; Physarum decipiens |
Conclusions :
- les espèces obtenues sont très majoritairement des espèces communes que nous trouvons régulièrement dans la nature et dans nos cultures d’autres sites.
- nous avons malgré tout obtenu quelques espèces inhabituelles :
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Vous trouverez plus de précisions sur la plupart de ces espèces en consultant les fiches correspondantes, accessibles par les liens ci-dessous :
Arcyria cinerea
A. marginoundulata
A. pomiformis
Badhamia dubia
B. flavoglauca
B. panicea
Badhamiopsis ainoae
Comatricha nigra
Craterium concinnum
Cribraria violacea
Diderma saundersii
Didymium bahiensee
D. clavus
D. comatum
D. difforme
D. dubium
D. minus
D. squamulosum
D. trachysporum
Echinostelium minutum
E. cribrarioides
Licea kleistobolus
L. minima
L. parasitica
L. rugosa cf.
Macbrideola cornea
Perichaena chrysosperma
P. depressa
P. vermicularis
Physarum cinereum
Physarum columellatum cf. Voir ci-dessous.
P. compressum
P. decipiens
P. didermoides
P. globuliferum
P. gravidum
P. oblatum (ci-dessus)
P. pusillum
P. pseudocollumellatum ad int.
Protophysarum phloiogenum
T. contorta var. iowensis ou bien Hemitrichia sp. Flatau (ZfM 70/2 p 202). La maturation des sporocarpes ayant été incomplète, nous ne pouvons pas avoir de certitude sur cette identification.
Tubifera ferruginosa
Physarum columellatum Nann.-Bremek. & Y. Yamam., Proc. Kon. Ned. Akad. Wetensch., C. 90(3):327 (1987)
Ou bien ?
La photo a été prise le 21.11.2020. Les sporocarpes étaient bien conformés mais demandaient encore à sécher un peu avant de pouvoir être étudiés. Des escargots qui se cachaient sous les écorces en ont décidé autrement, sans doute cet apport de calcaire tout frais était une aubaine pour eux … Le lendemain il ne restait absolument rien du festin de la veille. Il ne nous a pas été possible de vérifier la taille et l’ornementation des spores, pas plus que la présence ou non d’une columelle, et ainsi d’écarter définitivement deux autres espèces macroscopiquement ressemblantes, P. crateriforme et P. pseudocolumellatum.
Remerciements : ils vont à François Labolle pour avoir initié et permis ces recherches ; à Anthony Beke, Céline Froissart, Christophe Gass, et Frédéric Tournay pour leur disponibilité et leur accueil bienveillant tout au long des saisons.
Bibliographie
- de HAAN M. 2011. First records of Protostelids and Myxomycetes on aerial litter from the National Botanic Garden of Belgium Steerbekia 30 : 38-50.
- ING B. 1999. Myxomycetes in Buckingham Palace Garden. The London Naturalist 78 (Supp.) : 9 – 14.
- KUHNT A. 2019. Bemerkenswerte Myxomycetenfunde Teil 2. Berichte der Bayerischen Botanischen Gesellschaft 89 : 139-222.
- FLATAU L. & SCHIRMER P. 2004. Neue Myxomyceten aus Deutschland. Zeitschrift für Mykologie 70/2 : 187-206.
- SERAOUI E. L. 2006. Un inventaire des myxomycètes du Jardin Botanique de Genève. Saussurea 36 : 73-81.
- WOERLY B. 2019. Première récolte française de Protophysarum phloiogenum BLACKW. & ALEXOP. Bulletin de l'association philomathique d'Alsace et de Lorraine 47 : 105 – 115
- WOERLY B. à paraître en 2021. Myxomycètes sur les Clématites au Jardin botanique de l’Université de Strasbourg. Bulletin de l'association philomathique d'Alsace et de Lorraine 48
Site internet consulté : http://jardin-botanique.unistra.fr/